Devant la vingtaine de toiles déposées sur le sol de la salle d’exposition, avant leur accrochage au mur, Jérôme Briand prend du recul. Bouge d’un côté, puis de l’autre. L’œil aux aguets, sa sensibilité de peintre toujours en éveil. Dans cet espace clos, pourront-elles avec dégager (libérer ?) l’émotion qui l’habitait lorsqu’il tenait son pinceau, son couteau plutôt, au moment de leur création ? Les portraits d’hommes, de femmes (connus , ou injustement inconnus ) le fixent en retour avec une force de vie qui surprendra le futur visiteur. Certains paraissent tout droit sortis du récit fantastique d’Oscar Wilde : le portrait de Dorian Gray. Même de loin, les regards de Marylin, d’un marin pêcheur ou de Vincent Van Gogh vous saisissent par leur étrange profondeur. Vous voyez leur âme sur la toile et eux semblent ne pas vouloir baisser leurs paupières tant qu’ils n’auront pas jaugé la vôtre. Ces portraits sont chargés jusqu’à la gueule d’émotion, c’est l’évidence même. Le couteau a beau avoir selon l’humeur, le geste rapide du peintre, entaillé, lacéré, détruit, dissipé les détails d’un visage, il en révèle pourtant l’essentiel. Comme ce singulier tryptique PI-CA-SSO composé de trois têtes d’un monstre sacré de la peinture du XX eme siècle. Jérôme Briand rend hommage sans doute aux styles changeants, déroutants de Picasso . Recherche d’une liberté de créer hors de toute école, de toute appartenance ? Mais ce Picasso à trois têtes, tel Cerbère, le chien des Enfers, est peut-être prisonnier de son image. Or Jérôme Briand se défie des grilles, des barreaux derrière lesquels chacun peut être classé et surtout ...déclassé ! S’il montre sur ses toiles, « ces barres institutionnelles » selon son expression, c’est moins pour les dénoncer (il se déclare sans vergogne autodidacte) que pour s’en servir comme d’un levier en offrant à l’art du portrait (peint à l’huile qui plus est !) une impulsion nouvelle , qui le conduira dieu sait où ! En effet, il déclare que sa peinture en 2012 se compose « d’essais » rapides , d’étapes dont il doit, faute de temps, se contenter, et c’est pour cela « qu’il recherche son style », en grignotant des heures par ci par là entre une vie professionnelle accaparante... et la porte d’entrée de son atelier de peintre situé au rez-de- chaussée d’une ancienne minoterie que sa famille a aménagé avec goût tout le long de 7 années passées dans une petite ville du Morbihan. En soulevant ainsi l’importance du facteur temps , celui de la vie quotidienne dévorant celui de la création, nous comprenons pourquoi Jérôme Briand se qualifie en tant qu’ « artiste actif »au sens le plus concret du terme. En présentant aussi des chorédrames , ces tableaux reproduisant le mouvement gracieux d’une danseuse s’affranchissant des lois d e la pesanteur, Jérôme Briand semble s’alléger, se libérer des contraintes du temps. Rapides d’exécution, elles ponctuent l’espace blanc de la toile avec ces notes noires et rouges. Elles sont la respiration musicale de cette exposition .Presqu’ironiquement, elles s’opposent au pas martial d’un défilé militaire perdu au milieu de la salle. Ce tempo de la liberté conduira sans aucun doute Jérôme Briand très loin.
BIOGRAPHIE EXPRESS DE JEROME BRIAND.
Né à Rennes en 1974. Vit à Mauron depuis une dizaine d’années. Il exerce le métier de peintre et de décorateur pour les Bâtiments de France. Cela ne l’empêche pas d’apprécier la BD manga. Il avait réalisé une première exposition à l’âge de 20 ans à Saint-Servan-sur-Mer. Depuis 2010, il se (re)met à la peinture et commence à se faire à l’idée de se séparer de ses toiles présentées au public depuis à peine deux ans.
Dernières expositions :
Septembre 2011 : médiathèque de Mauron, Janvier 2012 : l’Invanterie, galerie d’exposition communautaire à Montauban de Bretagne, Février 2012 : Maison du Morbihan , Mauron, Mars 2012 : café Vagabond , Saint-Brieuc de Mauron, Aout 2012 : participation à l’exposition ARTBRO dans la galerie de la bibliothèque municipale de Paimpont, Février 2013 : médiathèque Julien Gracq de Plélan le Grand.
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